J'étais bien jeune, inappliqué, volage, bien peu préparé à discuter les talents d'un contrôleur général et ses devoirs. J'étais à la campagne, chez le marquis de V… enthousiaste forcené de l'Homme d'Etat genevois. J'en partis, presque brouillé avec lui et toute la société, pour m'être endormi le soir, pendant qu'on lisait son Eloge de Colbert, que j'avais lu et il y avait longtemps, et leur avoir dit en me réveillant que c'était écrit en style de réfugié, et pensé en charlatan.
Qu'on juge si mon amour s'augmenta à la lecture de son administration des finances de France, où il se constitue la partie adverse du roi, et a l'insolence de demander des juges entre le monarque et lui !! J'avais lu son caractère dans ses livres, et le connaissais comme si j'eusse vécu avec lui. Quand je vis un étranger, un bourgeois de Genève, un calviniste à la tête des finances d'un royaume, et d'un royaume catholique, où il était consulté sur des matières étrangères même à ses talents présumés, je fus dans le secret de sa pernicieuse influence sur nos destinées. Quelques vertus gênées dans des phrases emphatiques ne me rassurèrent pas ; sa candeur, s'il en avait eu, n'eût pas suppléé l'absence de ces grands éléments dont se compose le talent d'un homme d'Etat, et qu'on ne trouve pas sur les bancs poudreux d'un comptoir. Mais quand on l'eut vu convoquer ces funestes Etats Généraux que j'avais passé ma jeunesse à ouïr blâmer par un des premiers hommes d'Etat que la France ait eus , quand on eut entendu ce discours emphatique et présomptueux, où il exposait tout un plan subversif, tout un système de gouvernement dont il espérait concentrer la puissance dans sa main, alors il fallut s'attendrir et trembler, sous peine d'être un factieux ou un sot.
Mémoire du comte Alexandre de Tilly pour servir à l'histoire des moeurs de la fin du XVIIIe siècle. Paris, Mercure de France, 1986, pp. 506-507.
Qu'on juge si mon amour s'augmenta à la lecture de son administration des finances de France, où il se constitue la partie adverse du roi, et a l'insolence de demander des juges entre le monarque et lui !! J'avais lu son caractère dans ses livres, et le connaissais comme si j'eusse vécu avec lui. Quand je vis un étranger, un bourgeois de Genève, un calviniste à la tête des finances d'un royaume, et d'un royaume catholique, où il était consulté sur des matières étrangères même à ses talents présumés, je fus dans le secret de sa pernicieuse influence sur nos destinées. Quelques vertus gênées dans des phrases emphatiques ne me rassurèrent pas ; sa candeur, s'il en avait eu, n'eût pas suppléé l'absence de ces grands éléments dont se compose le talent d'un homme d'Etat, et qu'on ne trouve pas sur les bancs poudreux d'un comptoir. Mais quand on l'eut vu convoquer ces funestes Etats Généraux que j'avais passé ma jeunesse à ouïr blâmer par un des premiers hommes d'Etat que la France ait eus , quand on eut entendu ce discours emphatique et présomptueux, où il exposait tout un plan subversif, tout un système de gouvernement dont il espérait concentrer la puissance dans sa main, alors il fallut s'attendrir et trembler, sous peine d'être un factieux ou un sot.
Mémoire du comte Alexandre de Tilly pour servir à l'histoire des moeurs de la fin du XVIIIe siècle. Paris, Mercure de France, 1986, pp. 506-507.
Liens et copies :
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?rang=0&liste_analyse=304,669&f=analyse&from=rech_detaillee&mot=&auteur_id=&auteur=duplessis&titre=&liste_themes=&type_oeuvre_id=&annee_debut=&annee_fin=&musee=&anim_fla=&mots_cles=&auteur_analyse=&type_page=tout&deb=1
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire